Communication pas commode, Ça se décode

Mercredi 17 Juin 2020-00:00:00
' Mona Magdalani

« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre », Bernard Weber

Ecrivain français né en 1961.

Un module sur la communication à la fac.

Une conférence sur la communication au boulot.

Un livre sur la communication pour le business.

Un diplôme sur la communication pour le poste vacant.

La communication, ce n’est ni pour un examen, ni pour une lettre de motivation, ni pour un show quelconque. La communication est l’art du détail de la vie quotidienne. Le dialogue avec l’épicier est de la communication. L’échange avec la famille sur une série télévisée est de la communication. Les quelques phrases échangées avec le chauffeur de taxi, c’est de la communication. Les confidences avec son ami, c’est de la communication. Vous savez quoi ? Le monologue avec vous-même est de la communication.

Combien de fois, au bout d’un échange – formel qu’il soit ou amical, long ou court, sérieux ou rigolo « il y avait quelque chose, un imbroglio, un malaise, un malentendu, un quiproquo, une mésentente, une friction, une tension » ? Combien de fois arrive-t-on à une bouderie ou même à une dispute, à une décision d’éloignement ou à un jugement de valeur ?

Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Mais en fait, tout se joue autour d’une action et d’une réaction langagière. La langage est tout signe permettant la communication : une parole dite ou écrite, une intonation, un son, un grimace, une expression du visage ou un mouvement corporel. 7% de la communication est verbale, 38% est vocale et 55 % est visuelle. Il suffit de cliquer, Google vous dira tout.

Et si on laissait de côté – au moins pour cet article ! – le vocal et le visuel qui font ensemble 93% et on fixait notre attention sur les 7% du verbal.

« Il m’a agressé. Elle m’a provoqué. Je ne lui permets pas. Il a dépassé ses limites. Pour qui il se prend ? C’était un simple conseil. Ça ne m’arrange pas, j’ai dit non… » Et une liste infinie de répliques où chacun se défend et accuse l’autre ou se pose des questions sur la réaction de l’autre. Allons plus loin dans l’observation de la situation communicationnelle, voyons où ce « quelque chose », ce « malentendu » a commencé et pourquoi « cette tension », « cette dispute » s’est produite entre deux personnes quelque soit leur âge.

Quel que soit notre âge, il arrive de donner des conseils et des ordres comme si on incarnait le rôle du père ou de la mère. Ne nous arrive-t-il pas de sauter de joie, de refuser sans raison, de faire un caprice, de sucer une sucette comme un enfant ?

Oui, il y a un parent en nous même quand nous étions jeunes. Oui, il y a un enfant en nous quoiqu’on grandisse.

Ce ne sont que deux des trois Etats du Moi (EDM) d’Éric Berne, médecin psychiatre et psychanalyste américain né au Canada en 1910.

L’Etat Parent correspond aux pensées, aux émotions et aux comportements d’une personne qu’elle a fait siens par imitation de figures parentales ou éducatives marquantes.

L’Etat Enfant correspond aux pensées, aux émotions et aux comportements qui sont une reviviscence de notre propre enfance

- Oui, mais, ça m’arrive aussi de discuter et d’interagir sans soumission, ni rébellion.

- Correct. C’est l’Etat Adulte du Moi qui respecte l’autre, qui pose des questions, qui mène à des solutions et qui caractérise les émotions, les pensées et les comportements congruents avec la réalité de l’ici et maintenant.

Les EDM, c’est donc un système cohérent de pensées, d’émotions et de comportements associés.

- Et concrètement, en ce concerne la communication ?

La communication n’est que l’échange relationnel entre l’EDM de l’émetteur et l’EDM du récepteur : la transaction, tout comme en banque. L’analyse transactionnelle (AT) de Berne en 1958 est la théorie qui étudie le message adressé par quel l’EDM de l’émetteur reçu par quel l’EDM du récepteur et donc les raisons pour lesquelles un malaise a lieu ou une harmonie s’est installée.

Conduit par le Parent, on utilise des phrases genre : Je sais ce que tu veux. Il faut travailler autrement. Je t’interdis de faire ceci ou cela. Conduit par l’Enfant, on dit : Ca m’amuse. J’aime. Wow, j’ai réussi. Comme d’habitude, c’est moi le fautif.

Imaginez si l’on se laisse posséder par l’EDM Parent, combien de résistances on affrontera ? Combien de mésententes on produira ? Tout simplement parce que cela provoquera chez l’interlocuteur soit l’EDM Parent (deux pouvoirs en face) soit l’EDM Enfant (pouvoir contre rébellion).

D’ailleurs, si l’on se laisse entrainer par l’EDM Enfant, l’interlocuteur deviendra Enfant (deux producteurs de caprices alliés ou adversaire) ou l’EDM Parent pour contrôler la situation.

Le travail sur soi pour réussir ses transactions sera en optant pour l’EDM Adulte qui choisit comme formules : ce serait utile si.. Je crois que. Comment tu trouves… Tu aimerais que..

L’EDM Adulte invite le récepteur à réfléchir, à prendre part, à contribuer et donc à adopter son EDM Adulte même s’il avait commencé Parent ou Enfant.

Réussir sa communication est donc un choix. La communication, ça s’apprend, ça se cultive comme tout apprentissage. C’est comme l’apprentissage de la conduite. Au début, tout est mesuré et surveillé. Une fois la compétence acquise, sans réfléchir, nous conduisons en mangeant, en répondant au portable, en parlant avec de la compagnie en voiture, en mettant de la musique..

Les compétences communicationnelles, une fois acquises, chatouillent l’intellect et proposent des défis continuels qui – selon moi et mon expérience – donnent un sens, une palpitation aux dizaines et parfois aux centaines de transactions de chaque jour.

Il n’est plus question de se laver les mains et dire que c’est l’autre la cause. Réussir ses communications devient non seulement sa responsabilité mais son activité, sa gymnastique quotidienne… Cela ne veut-il pas dire son plaisir quotidien ; sa passion ?

Et dire que les 7% du verbal, c’est peu !